Un large éventail de données scientifiques indique que les produits laitiers peuvent avoir un effet favorable sur la tension artérielle. De nombreuses études, par exemple des revues systématiques et des études randomisées telles que l’étude à grande échelle DASH, démontrent une association bénéfique entre la consommation de produits laitiers et la prévention et la gestion de l’hypertension. À cet égard, Hypertension Canada recommande la diète DASH (qui met l’accent sur les fruits, les légumes et les produits laitiers) en tant qu’importante stratégie pour aider à prévenir et à gérer l’hypertension.
Les données scientifiques
Les revues systématiques et méta-analyses
Une revue systématique et méta-analyse de la relation dose-effet réalisée en 2021 par Heidari et coll. a examiné la relation entre la consommation de produits laitiers et le risque d’hypertension1. Au total, 353 303 participants provenant de 16 études de cohorte prospectives publiées entre 2002 et 2020 ont été inclus dans les analyses. Dans l’ensemble, les auteurs ont conclu qu’une consommation plus élevée de produits laitiers était associée à un risque réduit d’hypertension :
- Les produits laitiers totaux, les produits laitiers à teneur réduite en gras, le lait et les produits laitiers fermentés étaient tous associés à un risque réduit d’hypertension;
- Pour les produits laitiers totaux, l’analyse dose-effet a indiqué qu’une consommation allant jusqu’à 30 portions par semaine réduisait davantage le risque d’hypertension;
- Une consommation accrue de produits laitiers à teneur réduite en gras était associée à un risque plus faible d’hypertension, tandis qu’aucune association n’a été observée avec les produits laitiers à pleine teneur en matières grasses.
En 2019, Liu et coll. ont examiné l’association entre les sources alimentaires de sucres contenant du fructose et le développement de l’hypertension2. Leur revue systématique et méta-analyse de la relation dose-effet, qui comprenait 26 rapports issus de 15 cohortes prospectives, a révélé ce qui suit :
- Les boissons avec sucre ajouté étaient associées à un risque accru d’hypertension incidente;
- Il existait une association de protection contre le développement de l’hypertension avec la consommation de yogourt (réduction du risque de 5 % par 125 g), tout comme les fruits;
- Il existait une association de protection avec le jus de fruits pur à 100 %, mais seulement dans le cas d'une consommation modérée;
- Aucune association n’était observée pour les desserts laitiers, les boissons aux fruits et les collations sucrées.
Une revue systématique et méta-analyse de la relation dose-effet d’études de cohorte prospectives réalisée en 2017 par Schwingshackl et coll. a résumé les données sur la consommation d’aliments de certains groupes alimentaires et le risque d’hypertension3. Les auteurs ont inclus 28 rapports, examinant au total 12 groupes alimentaires, dont les grains entiers, les grains raffinés, les légumes, les fruits, les noix, les légumineuses, les œufs, les produits laitiers, le poisson, la viande rouge, la viande transformée et les boissons avec sucre ajouté. En comparant les catégories de consommation les plus élevées aux plus faibles, la méta-analyse de la relation dose-effet linéaire a montré ce qui suit :
- Les produits laitiers (200 g/jour), les fruits (100 g/jour), les noix (28 g/jour) et les grains entiers (30 g/jour) étaient associés à un risque réduit d’hypertension;
- La viande rouge (100 g/jour), la viande transformée (50 g/jour) et les boissons avec sucre ajouté (250 ml/jour) étaient associées à un risque accru d’hypertension.
Une revue systématique de méta-analyses d’études de cohorte prospectives réalisée en 2016 par Drouin-Chartier et coll. a examiné et classifié les données sur la relation entre la consommation de produits laitiers et le risque d’événements cardiométaboliques, dont l’hypertension4. Les conclusions ont été les suivantes :
- La consommation de produits laitiers totaux est associée à un risque réduit d’hypertension, selon des données scientifiques de qualité élevée;
- La consommation de lait et de produits laitiers à teneur réduite en gras est associée à une réduction du risque d’hypertension, selon des données scientifiques de qualité modérée;
- La consommation de produits laitiers à teneur normale ou à pleine teneur en gras, de fromage, de yogourt et de produits laitiers fermentés n’est pas associée à l’hypertension, selon des données scientifiques de qualité élevée à modérée.
Les études randomisées
Un essai randomisé croisé réalisé par Rancourt-Bouchard et coll. en 2020 a examiné l’effet de la consommation de lait à teneur réduite en gras et de fromage à pleine teneur en gras sur la tension artérielle ambulatoire chez 55 hommes et femmes en santé ayant une tension artérielle « normale élevée »5. Il est important de noter que la diète témoin sans produits laitiers de cette étude était plus pauvre en sodium que les diètes expérimentales incluant des produits laitiers. Cette étude a rapporté ce qui suit :
- Les diètes comprenant 3 portions quotidiennes de lait 1 % ou 1 portion quotidienne de 50 g de fromage Cheddar à pleine teneur en gras (enrichi de GABA) avaient un effet globalement neutre sur la tension artérielle ambulatoire après 6 semaines, comparativement à la diète témoin sans produits laitiers plus faible en sodium;
- L’analyse exploratoire a révélé qu’une portion quotidienne de fromage diminuait la tension artérielle systolique chez les hommes, et que 3 portions quotidiennes de lait 1 % diminuaient la tension artérielle diastolique ambulatoire chez les hommes et les femmes.
Rietsema et coll. ont étudié en 2019 l’effet d’une consommation de produits laitiers élevée versus faible sur la tension artérielle de 52 adultes d’âge moyen en excès de poids dans le cadre d’une étude croisée randomisée6. Les participants ont suivi une diète comprenant peu de produits laitiers (≤1 portion quotidienne de produits laitiers) et une diète riche en produits laitiers (5 portions quotidiennes de produits laitiers pour les femmes et 6 pour les hommes) pendant une période de 6 semaines. Cette étude a révélé ce qui suit :
- Comparativement à une diète comprenant peu de produits laitiers, une diète riche en produits laitiers réduisait la tension artérielle systolique et diastolique (en moyenne de 4,6 mm Hg et 3,0 mm Hg, respectivement);
- D’autres analyses suggèrent que cet effet bénéfique sur la tension artérielle était en grande partie lié à l’augmentation de l’apport en calcium alimentaire qui se produit naturellement avec une diète riche en produits laitiers.
Une étude randomisée croisée menée par Roy et coll. en 2019 a exploré l’ajout de produits laitiers entiers à l’alimentation habituelle d’adultes dont la tension artérielle systolique était élevée (120 à 159/<99 mm Hg)7. Les 60 adultes qui ont participé à cette étude ont suivi deux diètes différentes sur une période de 4 semaines. L’intervention à teneur élevée en produits laitiers consistait à ajouter 4 portions quotidiennes de produits laitiers à pleine teneur en gras (lait, fromage et yogourt) à l’alimentation habituelle des participants. Pour la diète témoin sans produits laitiers, il a été demandé aux participants d’éliminer tous les produits laitiers de leur alimentation habituelle. Cette étude a révélé ce qui suit :
- L’ajout de 4 portions par jour de produits laitiers à pleine teneur en gras n’a pas eu d’impact sur la tension artérielle des adultes ayant une tension artérielle systolique élevée.
Une étude randomisée croisée de Drouin-Chartier et coll. a examiné l’impact des produits laitiers sur la tension artérielle de 89 hommes et femmes présentant une hypertension légère à modérée8. La consommation de 3 portions quotidiennes de produits laitiers (lait, fromage et yogourt) a eu des effets bénéfiques sur la tension artérielle systolique ambulatoire pendant la journée chez les hommes, comparativement à une diète témoin sans produits laitiers saine pour le cœur. L’absence de différence observée sur le plan de la tension artérielle chez les femmes suivant la diète à haute teneur en produits laitiers versus la diète témoin pourrait être due à la réduction de la teneur en sodium, à l’augmentation de la consommation de fruits et légumes et à la perte de poids associées à la diète témoin.
- La consommation de 3 portions quotidiennes de produits laitiers a réduit la tension artérielle systolique ambulatoire moyenne pendant la journée (-2 mm Hg) chez les hommes.
- La consommation de produits laitiers a significativement amélioré la fonction endothéliale chez les hommes et les femmes.
Les études de cohorte prospectives
En 2018, Buendia et coll. ont montré que la consommation à long terme de produits laitiers est associée à un risque plus faible d’hypertension9. Cette étude a évalué la relation entre la consommation de produits laitiers totaux et de lait, de fromage et de yogourt, et l’hypertension dans trois vastes cohortes prospectives. Les participants de la Nurses Health Study I et II et de la Health Professionals Follow-up Study ont été suivis pendant des périodes de 20 à 30 ans. Cette étude a révélé ce qui suit :
- Une consommation plus élevée de produits laitiers totaux (3 à 6 portions versus < 0,5 portion par jour) et la consommation de yogourt en particulier (5 portions ou plus par semaine versus moins de 1 portion par mois) ont été associées à une réduction de 16 % du risque d’hypertension;
- Une consommation de lait et de fromage plus élevée était associée à une réduction de 12 % du risque d’hypertension, tandis qu’une faible consommation de ces produits était associée à une réduction de 6 %.
Une autre étude réalisée en 2018 par Buendia et coll. a évalué la consommation régulière de yogourt et le risque de maladies cardiovasculaires chez les adultes hypertendus10. Chez les participants des cohortes de la Nurses Health Study et de la Health Professionals Follow-up Study, cette étude a révélé que les adultes hypertendus qui consommaient ≥ 2 portions de yogourt par semaine présentaient un risque plus faible de crise cardiaque et d’accident vasculaire cérébral :
- La consommation de ≥ 2 portions de yogourt par semaine était associée à une diminution de 17 % du risque de maladies cardiovasculaires chez les femmes et de 21 % chez les hommes (comparativement à ceux qui en consommaient < 1 portion par mois);
- Les gens qui consommaient régulièrement du yogourt et qui suivaient plus rigoureusement la diète DASH présentaient une réduction du risque de maladies cardiovasculaires de 16 % et 30 % (chez les femmes et les hommes respectivement).
La diète DASH
L’effet de modèles alimentaires sur la tension artérielle a été examiné dans l’étude randomisée originale à grande échelle sur la diète Dietary Approaches to Stop Hypertension (DASH)11. Après avoir suivi une diète témoin pendant 3 semaines, 459 adultes ont été répartis au hasard dans 1 des 3 groupes de diète suivants, qui variaient principalement sur le plan de leur teneur en fruits et légumes et en produits laitiers11,12 :
- Diète témoin (typique pour la plupart des Américains) : 0,5 portion/jour de produits laitiers et 2,6 portions/jour de fruits et légumes;
- Diète de fruits et de légumes : 8 à 10 portions/jour de fruits et légumes et seulement 0,3 portion/jour de produits laitiers;
- Diète combinée (diète DASH) : près de 3 portions/jour de produits laitiers, en plus de 8 à 10 portions/jour de fruits et légumes;
- Les produits laitiers de la diète combinée (diète DASH) incluaient environ 30 g de fromage à pleine teneur en gras;
- La teneur en sodium était constante pour toutes les diètes à environ 3 000 mg/jour.
Un essai croisé randomisé de 2016 mené par Chiu et coll. a examiné les effets du remplacement des produits laitiers à teneur réduite en gras par des produits laitiers à pleine teneur en gras dans la diète DASH14. Au total, 36 participants hypertendus ont suivi une diète témoin, une diète DASH standard et une version modifiée de la diète DASH à teneur élevée en gras et faible en glucides (DASH à teneur élevée en gras) pendant 3 semaines chacune. La diète DASH à teneur élevée en gras était similaire à la diète DASH standard, sauf que les produits laitiers sans gras et à teneur réduite en gras étaient remplacés par du lait, du fromage et du yogourt à pleine teneur en gras, entraînant une hausse des gras saturés de 8 % à 14 %, et que les sucres étaient réduits (principalement par les jus de fruits) de 12 % de l’apport total en énergie. Cette étude fournit des données solides selon lesquelles la consommation de produits laitiers à pleine teneur en gras, dans le cadre d’une diète DASH modifiée, entraîne une réduction de la tension artérielle et a des effets favorables sur certains marqueurs des lipides sanguins, comparativement à la diète DASH standard.
- La tension artérielle systolique et diastolique a été réduite de manière comparable dans les groupes DASH et DASH à teneur élevée en gras (réduction d’environ 2,8 à 3,4 mm Hg comparativement au groupe témoin).
- Des effets favorables sur certains marqueurs des lipides sanguins, notamment une réduction des concentrations de triglycérides plasmatiques et de VLDL et une augmentation de la taille des particules de LDL, ont également été observés dans le groupe DASH à teneur élevée en gras comparativement au groupe DASH standard.
Hypertension Canada recommande la diète DASH aux personnes normotendues présentant un risque accru de développer l’hypertension ainsi qu’aux personnes hypertendues15.
Les mécanismes potentiels
Bien que les mécanismes par lesquels les produits laitiers pourraient moduler la tension artérielle demeurent incertains, les chercheurs sont d’avis que le calcium est l’un des principaux nutriments responsables de l’effet des produits laitiers sur le contrôle de la tension artérielle13. La recherche indique que d’autres composantes des produits laitiers, notamment la vitamine D, le magnésium, le potassium, le phosphore, les protéines laitières et les peptides bioactifs, pourraient également jouer un rôle.
Le calcium
Une méta-analyse de la relation dose-effet de 2019 portant sur des études de cohorte prospectives à grande échelle de bonne qualité a révélé une association entre un apport plus élevé en calcium alimentaire et un risque réduit d’hypertension16. Une analyse en sous-groupes a révélé cette association uniquement pour l’apport en calcium laitier, et non pour le calcium non laitier. L’effet bénéfique du calcium alimentaire a été maintenu dans les études qui ont contrôlé pour les apports en sodium, en potassium et en magnésium. Un certain nombre de mécanismes ont été proposés. Des apports plus élevés en calcium alimentaire diminuent l’influx de calcium dans les cellules du muscle lisse de la paroi vasculaire, ce qui a pour effet de supprimer les contractions et pourrait également diminuer l’activité rénine plasmatique. De plus, le calcium augmente la lipolyse des adipocytes, diminue la lipogenèse, joue un rôle régulateur dans le métabolisme de l’énergie et pourrait contribuer à la gestion du poids. Un apport plus élevé en calcium alimentaire est également associé à une réduction de l’insulinorésistance, une autre cause de l’hypertension.
La vitamine D
La vitamine D, en raison de son importance en ce qui concerne l’absorption du calcium, pourrait également jouer un rôle dans la gestion de la tension artérielle. De plus, il a été démontré qu’un faible état nutritionnel en vitamine D augmente la tension artérielle en activant le système rénine-angiotensine-aldostérone, ce qui entraîne de la vasoconstriction ainsi que de la rétention d’eau et de sodium17.
Le potassium
L’apport en potassium semble également jouer un rôle dans la régularisation de la tension artérielle. Plusieurs études d’observation ont révélé qu’une augmentation de l’apport en potassium de 750 à 1 000 mg/jour peut réduire la tension artérielle de 2 à 3 mm Hg18.
Les protéines laitières
Une méta-analyse de 2017 portant sur des études randomisées fournit également des données selon lesquelles les protéines laitières abaissent la tension artérielle systolique et diastolique19. Le mécanisme touche les peptides bioactifs. Les peptides bioactifs sont formés soit par la digestion de la caséine et des protéines de lactosérum (les principales protéines présentes dans les produits laitiers), soit par la fermentation du lait par les lactobacilles (lors de la fabrication du fromage, par exemple). En fait, des peptides antihypertenseurs ont été trouvés dans divers types de fromage20.
Par ailleurs, il a été montré que les peptides bioactifs inhibent l’enzyme de conversion de l’angiotensine 1 (ACE), un processus clé dans le contrôle de la tension artérielle13. Ils pourraient également avoir des propriétés antioxydantes et accroître la production d’oxyde nitrique, deux caractéristiques qui pourraient contribuer à la diminution de la tension artérielle21. D’autres études ont démontré que certaines combinaisons de peptides dérivés du lait ont aussi des effets hypotenseurs par l'entremise de la modulation de la libération d’endothéline-1 par les cellules endothéliales22. Une méta-analyse portant sur l’effet des tripeptides laitiers sur la tension artérielle a indiqué que les tripeptides dérivés du lait sont hypotenseurs chez les personnes préhypertendues et hypertendues23.
Conclusion
Un vaste ensemble de données scientifiques appuie une relation bénéfique entre la consommation de produits laitiers et le contrôle de la tension artérielle.
Les données indiquent qu’une consommation plus élevée de produits laitiers est associée à un risque réduit d’hypertension. La diète DASH, qui privilégie les fruits, les légumes et les produits laitiers (lait, yogourt, fromage), est recommandée pour la prévention et la gestion de l’hypertension.
Plus d’études, y compris des études randomisées, sont nécessaires afin de mieux comprendre les effets des produits laitiers à pleine teneur en gras sur la tension artérielle et les mécanismes par lesquels les produits laitiers exercent un effet bénéfique sur la tension artérielle.