Symposium 2019

Perspectives sur l`alimentation durable

Perspective mondiale sur la durabilité

Présentation du symposium

ANNE MOTTET, Ph. D.

Fonctionnaire chargée d’élevage et développement
Division de la production et de la santé animales
Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO)
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Au cours des 30 dernières années, la consommation de viande, de lait et d’œufs a plus que triplé dans les pays à revenu intermédiaire et tranche inférieure (PRITI). La croissance de la population, l’urbanisation, l’augmentation du revenu et la mondialisation continuent de stimuler ce qu’on qualifie de « révolution du secteur de l’élevage ». Selon les plus récentes projections de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), en se fondant sur un scénario qui maintient la tendance, la demande de viande dans les PRITI augmentera encore de 80 pour cent d’ici 2030, et de plus de 200 pour cent d’ici 2050. Une croissance aussi rapide offre non seulement des opportunités, mais également des risques.

Le Programme 2030 de l’ONU – et plus particulièrement ses 17 objectifs de développement durable – fournit un plan directeur complet qui permet de mettre en lumière ces risques et ces opportunités. Voici 4 secteurs prioritaires en matière de développement durable du secteur de l’élevage à l’échelle planétaire qui s’alignent sur les 17 objectifs établis par l’ONU :

  1. Sécurité alimentaire et nutritionnelle. L’élevage de bétail fournit 35 % de l’apport en protéines et 18 % de l’apport en calories dans le monde entier, mais ces apports ne sont pas équitablement répartis. Les populations pauvres des PRITI ne consomment souvent pas suffisamment d’aliments d'origine animale, tandis que d’autres – notamment dans les pays à revenu élevé (PRE), mais de plus en plus dans les pays à revenu intermédiaire (PRI) – en consomment beaucoup plus que leurs besoins nutritionnels. L’élevage contribue en tous points à la sécurité alimentaire. Dans les foyers, il procure une alimentation saine et nutritive, ainsi que des revenus. D’un point de vue communautaire, ce secteur offre des possibilités d’emploi, tandis que sur les plans national et international, la production animale permet de fournir à la population un approvisionnement suffisant et fiable en aliments nutritifs, abordables et salubres.
  2. Moyens de subsistance et égalité. Parmi les 770 millions de personnes qui survivent avec moins de 1,90 $ US par jour, environ la moitié dépend directement de l’élevage comme moyen de subsistance. La production animale contribue à la réduction de la pauvreté en renforçant la capacité de résilience et en fournissant des moyens de subsistance à un grand nombre d’habitants des régions rurales. Elle crée de l’emploi dans les systèmes agroalimentaires, stimule la demande pour des biens et services, et favorise la transformation économique en participant au développement des capitaux financier et humain d’autres secteurs de l’économie. Cependant, au-delà des avantages que procure l’élevage réside la question de l’égalité. D’ailleurs, une grande majorité des éleveurs à faible revenu sont des femmes et elles ont encore moins accès aux ressources de production et aux marchés que les hommes, ce qui les empêche de tirer des profits considérables de leur élevage. De plus, le travail des enfants est fréquent dans le secteur de l’élevage, les jeunes garçons et filles gardant les troupeaux au lieu d’aller à l’école. La croissance n’est pas égale, puisque sa plus grande part survient dans les systèmes d’élevage intensif et la contribution des petits exploitants agricoles y est relativement minime. Au fur et à mesure que le système agroalimentaire d’élevage prend de l’expansion pour répondre à la demande de viande, des millions de petits éleveurs – efficaces mais non concurrentiels – se voient carrément forcés d’abandonner leur production.
  3. Santé et bien-être animal. La santé humaine est étroitement liée à celle des animaux, à leur bien-être et à la salubrité de l’environnement. C’est ce principe qui vient en appui à la notion de « Santé globale », selon lequel les systèmes agroalimentaires d’élevage sont situés au carrefour entre la santé humaine et animale et un environnement sain. Les maladies restreignent la production animale et diminuent sa capacité de fournir des moyens de subsistance et de contribuer à la croissance économique et à la sécurité alimentaire et nutritionnelle. À titre d’exemple, l’épidémie de fièvre aphteuse survenue en 2001 au Royaume-Uni a coûté à l’économie environ 14 milliards en dollars américains, tandis que le coût de l’épidémie de grippe aviaire de 2016 et 2017 aurait, quant à lui, dépassé ce chiffre. L’usage d’agents antimicrobiens pour traiter les animaux d’élevage est presque trois fois plus élevé que celui pour traiter les infections humaines. L’emploi inapproprié de ce type de médicament accentue le développement d’une résistance aux antimicrobiens (RAM) par les agents pathogènes du bétail, ce qui compromet l’efficacité des traitements et permet plus facilement la propagation des maladies aux humains.
  4. Le bétail est élevé dans une grande variété d’agroécosystèmes et il constitue un moyen essentiel de subsistance pour des centaines de millions d’habitants pauvres des régions rurale et urbaine. Il fournit de la nourriture, des fibres, un revenu, des actifs économiques ainsi que divers services comme la traction animale. Les animaux domestiques – comme la volaille, les porcs, les bovins, les moutons, les chèvres, les bisons et autres espèces – et leurs nombreuses races permettent aux humains de vivre et de prospérer en dépit des contraintes climatiques difficiles, en haute altitude, en région éloignée et même dans des climats désertiques. Mais l’élevage nécessite également une grande quantité de ressources naturelles comme la terre et des nutriments, et contribue considérablement au changement climatique.

Les politiques en matière de développement durable de l’élevage doivent accroître le rôle du bétail dans les agroécosystèmes et viser à améliorer l’efficacité de l’usage des ressources naturelles et à réduire l’impact environnemental des filières de production animale.