Les produits laitiers et le cancer colorectal
Selon le troisième rapport d'experts du Fonds Mondial de Recherche contre le Cancer et de l'American Institute for Cancer Research, des données convaincantes indiquent que la consommation de produits laitiers diminue le risque de cancer colorectal.
Points saillants
- Des données probantes indiquent que les produits laitiers ont un effet protecteur contre le cancer colorectal.
- L'effet des produits laitiers sur la réduction du risque de cancer colorectal pourrait être attribuable, du moins en partie, au calcium.
- Plusieurs autres composantes des produits laitiers pourraient également être responsables de cet effet protecteur, notamment la vitamine D, les acides linoléiques conjugués (ALC).
Aperçu du cancer colorectal
Il existe de nombreux facteurs de risque connus du cancer colorectal, entre autres les suivants1 :
- Des antécédents familiaux de cancer colorectal;
- L’excès de poids ou l’obésité;
- Le fait de ne pas faire d’activité physique;
- La consommation d’alcool;
- Le tabagisme;
- La consommation de viande transformée;
- Une alimentation pauvre en fibres;
- Une maladie inflammatoire de l’intestin.
Environ 26 800 Canadiens ont reçu un diagnostic de cancer colorectal en 20171. Le cancer colorectal figure au deuxième rang parmi les cancers les plus diagnostiqués au Canada (si l’on exclut les cancers de la peau avec mélanome bénin).
Les données scientifiques
Selon le troisième rapport d'experts publié en 2018 par le Fonds Mondial de Recherche contre le Cancer et l’American Institute for Cancer Research, des données probantes indiquent que les produits laitiers (produits laitiers totaux, lait, fromage) sont associés à un plus faible risque de cancer colorectal2.
Les mécanismes potentiels
Il existe plusieurs mécanismes potentiels grâce auxquels les produits laitiers pourraient réduire le risque de cancer colorectal, et plusieurs composantes des produits laitiers pourraient jouer un rôle dans ces mécanismes.
Calcium
Des données relatives à divers mécanismes plausibles indiquent que le calcium pourrait avoir un effet protecteur contre le cancer colorectal1.
Dans une méta-analyse de la relation dose-effet regroupant des études d'observation prospectives, on a conclu que chaque apport en calcium total de 300 mg/j diminuait le risque de cancer colorectal de 8 % et cette réduction était présente au-delà de 1 000 mg par jour3.
Plusieurs mécanismes biologiques pourraient expliquer l'effet protecteur du calcium contre le cancer colorectal2,3,4. En effet, le calcium pourrait :
- Freiner la prolifération, promouvoir la différenciation cellulaire terminale et induire l'apoptose des cellules tumorales colorectales;
- Lier les acides biliaires secondaires (des acides biliaires formés par l'action des bactéries intestinales sur les acides biliaires synthétisés par le foie) ou les acides gras ionisés en vue d'inhiber leur capacité de modifier les cellules coliques;
- Réduire le taux de mutations du gène K-ras associées au côlon.
Vitamine D
Les données qui indiquent que la vitamine D ou les aliments qui en contiennent ont un effet protecteur contre le cancer colorectal sont limitées, mais généralement constantes2. Il existe des mécanismes plausibles selon lesquels la vitamine D pourrait entraîner des effets anticancéreux en restreignant la croissance des cellules du côlon5. Par ailleurs, les effets de la vitamine D et du calcium sont interreliés, puisque les deux nutriments restreignent la prolifération cellulaire, en plus d'induire la différenciation et l'apoptose des cellules intestinales2. D’autres mécanismes potentiels sont liés à une amélioration de la fonction immunitaire, à une réduction de l’inflammation, à l’inhibition de l’angiogenèse et à la régularisation de l’expression des microARN lorsque l’état nutritionnel en vitamine D est plus élevé2. De plus, les effets liés au calcium sont dépendants des taux de vitamine D.
Acides linoléiques conjugués (ALC)
Les effets anticancéreux des ALC ont été démontrés sur de nombreux modèles animaux. De plus, il a été démontré que les ALC modulent la production d'éicosanoïdes, diminuent la synthèse des prostaglandines, interfèrent avec les voies de signalisation cellulaire, inhibent la synthèse de l'ADN, modifient la fluidité des membranes cellulaires, favorisent l'apoptose et modulent l'angiogenèse6,7.
Les données issues d'études menées chez les humains sont limitées; cependant, elles suggèrent que les ALC pourraient contribuer à protéger contre le cancer colorectal. Une étude ayant eu recours aux données de la Swedish Mammography Cohort a révélé une relation inverse entre les produits laitiers à pleine teneur en matières grasses et les ALC et le cancer colorectal8.
Autres composantes des produits laitiers
Il a également été suggéré que l'acide butyrique, un autre acide gras laitier, pourrait jouer un rôle bénéfique contre le cancer colorectal. En effet, il a été démontré qu'il inhibe la prolifération et induit la différenciation dans les lignées cellulaires tumorales7.
Chez des modèles animaux, il a été démontré que la lactoferrine, une protéine laitière, freine la carcinogenèse dans le côlon et dans d'autres organes. De plus, la lactoferrine pourrait inhiber la croissance des polypes adénomateux chez les humains9.
Les bactéries lactiques présentes dans les produits laitiers fermentés pourraient également protéger la surface de l’épithélium du côlon. Elles pourraient se fixer à la surface apicale des cellules coliques et freiner l'excrétion de toxines par les bactéries putréfiantes, protégeant ainsi la surface épithéliale7,10.
Finalement, les sphingolipides contenus dans le gras laitier sont aussi un puissant inhibiteur de la croissance cellulaire et pourraient induire la différenciation et l'apoptose10.
Conclusion
Selon le Fonds Mondial de Recherche contre le Cancer, l’autorité en matière d’alimentation et de cancer, il existe des données convaincantes selon lesquelles les produits laitiers (produits laitiers totaux, lait, fromage) réduisent le risque de cancer colorectal.
Plusieurs composantes des produits laitiers pourraient être responsables de cet effet protecteur, notamment le calcium, la vitamine D, la lactoferrine et l’acide butyrique.
D’autres recherches sont nécessaires afin de pleinement élucider tous les mécanismes potentiels grâce auxquels les produits laitiers pourraient avoir un effet protecteur contre le cancer colorectal.
Références
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Société canadienne du cancer. 2018. Cancer colorectal. www.cancer.ca. Consulté le 27 septembre 2018.
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Fonds Mondial de Recherche contre le Cancer/American Institute for Cancer Research. 2018. Diet, Nutrition, Physical Activity and Cancer: a Global Perspective. Continuous Update Project Expert Report. www.wcrf.org. Consulté le 27 septembre 2018.
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Keum N et coll. Calcium intake and colorectal cancer risk: dose-response meta-analysis of prospective observational studies. Int J Cancer 2014;135:1940-1948.
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Murphy N et coll. Consumption of dairy products and colorectal cancer in the European Prospective Investigation into Cancer and Nutrition (EPIC). PLoS One 2013;8:e72715.
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Larsson SC et coll. High-fat dairy food and conjugated linoleic acid intakes in relation to colorectal cancer incidence in the Swedish Mammography Cohort. Am J Clin Nutr 2005;82:894-900.
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Tsuda H et coll. Cancer prevention by bovine lactoferrin: from animal studies to human trial. Biometals 2010;23:399-409.
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Pufulete M. Intake of dairy products and risk of colorectal neoplasia. Nutr Res Rev 2008;21:56-67.