Analyse critique : le rôle de la nutrition dans la prévention et le traitement de l’asthme

Un article de revue de littérature d’Alwarith et coll.1 publié dans la revue Nutrition Reviews a examiné le rôle de divers facteurs alimentaires dans le développement et le contrôle de l’asthme chez les enfants et les adultes. Les auteurs suggèrent que les produits laitiers augmentent le risque d’asthme et nuisent au contrôle de l’asthme. Or, cet article comporte plusieurs lacunes importantes. De plus, dans l’ensemble, les données scientifiques publiées à ce jour n’appuient pas les conclusions mises de l’avant dans cet article de revue de littérature. En fait, des données scientifiques indiquent que les produits laitiers, particulièrement ceux à pleine teneur en gras, pourraient réduire le risque d’asthme et/ou en améliorer le contrôle.

Homme qui travaille

Principaux problèmes relevés dans cet article de revue de littérature 

Il semble que le processus de sélection des études et l’analyse des résultats aient été faits de façon sélective.

  • Contrairement aux revues systématiques, qui fournissent des données solides pour établir des directives ou recommandations, les revues de littérature narratives telles que celle-ci n’ont pas à respecter de processus particulier, et sont donc plus à risque d’être subjectives et partiales. Par ailleurs, on s’attend à ce que certaines « meilleures pratiques » soient respectées dans le contexte de revues de littérature narratives, par exemple présenter un bon survol des données (plutôt que de faire de la sélection) ou présenter des études ou résultats opposés. Or, ces meilleures pratiques ne semblent pas avoir été suivies dans le cas de cet article de revue de littérature.

L’article ne représente pas un survol adéquat de l’état actuel des données scientifiques.

  • Malgré l’objectif énoncé, à savoir examiner la « littérature actuelle », les études incluses quant au rôle des produits laitiers dans l’asthme sont généralement plus anciennes (c.-à-d. qu’elles datent des années 1990 et du début des années 2000) ou avaient une méthodologie plus faible (p. ex. des études transversales). Plusieurs études publiées ultérieurement, dont bon nombre présentaient une méthodologie plus robuste (p. ex. des études longitudinales ou prospectives), et montrant que les produits laitiers ont un rôle bénéfique, n’ont pas été incluses. 

Les auteurs représentent ou interprètent de manière erronée plusieurs des études incluses, par exemple en omettant les résultats qui indiquent que les produits laitiers ont un effet bénéfique ou neutre (voir la section intitulée « Études sur les produits laitiers incluses dans l’article de revue de littérature »). 

Pour de plus amples renseignements, consultez l’article Les produits laitiers et l’asthme.

Études sur les produits laitiers incluses dans l’article de revue de littérature

Une étude cas-témoin menée par Han et coll.2 auprès de 678 enfants de San Juan, Puerto Rico, âgés de 6 à 14 ans a examiné l’association entre l’alimentation et l’asthme chez les enfants portoricains. Une grande consommation de grains était associée à de plus faibles risques d’asthme, tandis qu’une consommation fréquente de produits laitiers était associée à des risques plus élevés d’asthme.

  • Cette étude ne distinguait pas les enfants allergiques au lait, un paramètre qui aurait pu être un facteur confondant. 

Une étude d’intervention « pilote » de Yusoff et coll.3 a examiné les effets de l’exclusion des œufs et du lait sur l’occurrence de symptômes chez des enfants asthmatiques. Vingt-deux enfants de 3 à 14 ans ayant reçu un diagnostic clinique d’asthme léger à modéré ont été inclus dans l’étude. L’exclusion du lait et des œufs a entraîné une baisse des concentrations de l’IgG dans le sang et a été associée à des améliorations fonctionnelles et cliniques. De plus, ces changements bénéfiques avaient tendance à disparaître lorsque l’on mettait fin à la diète.

  • Cette étude ne distinguait pas les œufs du lait et incluait des enfants qui pourraient avoir eu des allergies aux œufs et possiblement au lait. Par ailleurs, les parents déterminaient si leurs enfants allaient être inclus dans le groupe expérimental ou le groupe témoin, ce qui représente une limite importante. 

Une étude transversale menée par Woods et coll.4 auprès de 1601 jeunes adultes australiens (âge moyen d’environ 35 ans) a examiné la consommation d’aliments et l’apport en nutriments chez ceux qui étaient atteints d’asthme comparativement à ceux qui ne l’étaient pas. Le lait entier et le beurre semblaient avoir un effet protecteur contre l’asthme courant, l’asthme diagnostiqué par un médecin, l’hyperréactivité bronchique et l’atopie, tandis que la Ricotta et le fromage à teneur réduite en matières grasses augmentaient le risque associé à certaines de ces mesures. D’autres produits laitiers (fromage, crème glacée et yogourt) n’étaient pas associés à l’asthme. Les boissons de soya étaient pour leur part associées à une hausse du risque d’asthme courant et d’asthme diagnostiqué par un médecin. 

  • L’article de revue de littérature d’Alwarith et coll. n’a pas rapporté les résultats de cette étude, qui montrait des associations de protection (lait entier et beurre) ou des associations neutres (fromage, crème glacée et yogourt) pour certains produits laitiers, ni rapporté l’association nuisible avec les boissons de soya. 

Dans un essai croisé randomisé, à double insu et comparatif avec placebo mené par Woods et coll.5, 20 adultes asthmatiques devaient consommer 300 ml de lait de vache ou un placebo (c.-à-d. une boisson de riz). Une réaction positive était définie comme une réduction de 15 % du volume expiratoire maximal par seconde (VEMS) et du débit expiratoire de pointe (DEP). Tant pour le VEMS que pour le DEP, aucune différence statistiquement significative n’a été observée entre les moyennes des groupes ayant reçu le lait ou le placebo. Les auteurs ont conclu qu’il était peu probable que les produits laitiers aient un effet bronchoconstricteur chez la plupart des patients atteints d’asthme, peu importe leur perception. 

  • L’article de revue de littérature d’Alwarith et coll. représente les résultats de cette étude de façon erronée en suggérant un effet indésirable global avec le lait, ce qui ne correspond pas aux conclusions de l’étude. 

Dans un essai croisé randomisé, à double insu et comparatif avec placebo mené par Nguyen et coll.6 auprès de 25 adultes asthmatiques, les participants ont été répartis au hasard en vue de recevoir une solution contenant du lait de vache en poudre ou une solution placebo. La capacité vitale forcée (CVF), le volume expiratoire maximal par seconde (VEMS) et le rapport VEMS/CVF ont été mesurés. Aucune différence significative n’a été observée dans les groupes.

  • L’article de revue de littérature d’Alwarith et coll. suggère que le lait a des effets indésirables, ce qui ne correspond pas aux conclusions de cette étude. 

Une étude randomisée effectuée par Haas et coll.7 a comparé les effets, chez 11 asthmatiques et 10 non-asthmatiques, de la consommation de 16 oz de lait entier, de lait écrémé et d’eau sur plusieurs mesures de la fonction respiratoire : volume expiratoire maximal par seconde (VEMS), débit expiratoire maximal (DEM) et capacité de diffusion pulmonaire (DL). Les deux types de laits n’ont modifié le VEMS et le DEM de façon significative dans aucun des deux groupes, ce qui indique que la quantité ingérée n’a pas suffisamment altéré les résistances bronchiques pour modifier les paramètres du courant aérien. Dans le groupe des asthmatiques, cependant, la DL a diminué progressivement sur une période de 3 heures après l’ingestion du lait entier, mais pas après la consommation d’eau ou de lait écrémé.

  • L’article de revue de littérature d’Alwarith et coll. n’inclut pas la conclusion selon laquelle le lait écrémé n’a eu aucun effet nuisible sur la DL.

Conclusions

Cet article de revue de littérature, bien que publié dans une revue scientifique crédible du domaine de la nutrition, présente plusieurs lacunes et limites importantes, entre autres choix sélectif des études et une présentation erronée des résultats, et devrait par conséquent être interprété avec prudence. 

Dans l’ensemble, les données scientifiques publiées à ce jour n’appuient pas les affirmations mises de l’avant dans cet article de revue de littérature en lien avec les produits laitiers. En fait, des données scientifiques indiquent que les produits laitiers, particulièrement ceux à pleine teneur en gras, pourraient réduire le risque d’asthme et/ou en améliorer le contrôle.
 

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